J'ai vu son corps sans vie, ses lèvres bleues, son teint jaunâtre, sa rigidité, ce n'était pas lui, c'était son cadavre. Je n'aurais pas du aller au funérarium. J'ai ressassé cette image toute la nuit, couchée dans mon salon mortuaire, à côté de son fantôme. J'ai très peu dormi, mais j'ai tout oublié le lendemain. J'ai été à l'église, caressé la plaque qui portait son nom. Et puis je suis restée avec ses enfants, mes cousins tandis qu'on l'incinérait.
Nous étions tous là, il y avait un monde fou. Beaucoup pleurait. C m'a dit de ne pas pleurer, de soutenir ma marraine. Elle aurait du me dire qu'on ne pouvait que craquer parce qu'en sortant de l'église, elle elle pleurait. Il était pas vraiment de sa famille, moi si. Pourquoi n'a-t-elle pas fait ce qu'elle m'avait ordonné? Je n'ai pas pu lui dire adieu, j'aurais craqué comme on m'avait interdit de faire. J'aurais du.
Son corps mort est maintenant cendres dans une urne, vissée à la tombe de son papa. Je ne réalise toujours pas. J'ai vu une photo de leur mariage dans leur chambre. Il était vivant, j'ai souri, je n'avais plus peur car c'est ce que je retiendrai de lui. Je ne l'oublierai jamais et lui, de là où il nous regarde, n'oubliera jamais la soirée que nous avons passé hier.
Parce que nous étions tous là et on a rit, on a bu, on s'est souvenu et puis on a ri de nouveau, on s'est resservis un verre. Je n'ai pas tout de suite compris, ça m'a choqué, j'ai voulu aller dehors pour pleurer mais C m'a à nouveau interdit, elle m'a ordonné de rire. Même si c'était jaune, un peu faux, que les larmes des fous-rires avait goût tristesse, on a tous ri. On a même dit qu'il devait bien rire là-haut en nous voyant, que les voisins devaient nous trouver monstrueux, et on riait, on riait. Parce que le corps ne peut pas que pleurer, il est des douleurs qu'on ne peut exprimer, alors on a ri parce qu'on était tristes. Et parce qu'on espère qu'il nous regarde, qu'il voit qu'on l'aime, qu'on ne l'oubliera jamais, qu'on prend soin d'eux, de nous, de lui, de son souvenir éternel. Et quel meilleur hommage qu'une fête où il était présent, sur une chaise vide, dans une anecdote marrante, dans nos coeurs et dans nos âmes saoules.
Ils ont pas que tort à l'église, nous avons entamé le chemin de l'espérance
on a tous fumé ce soir là aussi.... Même ceux qui avaient arrêté depuis deux ans.